« Nous voulons devenir un champion national de l’exploration et de la production pétrolière et gazière en Côte d’Ivoire »
ICE Oil & Gas est une société de droit ivoirien spécialisée dans l’exploration et la production d’hydrocarbures en Côte d’Ivoire. Nous avons rencontré le directeur général, Philippe-Olivier N’DA pour nous parler des activités du groupe.
Présentez-nous ICE OIL & GAS ?
ICE Oil & Gas a été créée en 2022 pour développer des projets dans l’exploration et la production d’hydrocarbures en Afrique de l’Ouest. Nous avons choisi de démarrer nos activités dans notre pays, la Côte d’Ivoire, où notre équipe d’experts seniors a joué un rôle important dans l’exploration, l’évaluation, le développement et la production de champs de pétrole et de gaz durant les 30 dernières années.
Quelle est l’histoire du Groupe ICE OIL & GAS ?
Tout commence avec Jacques N’DA, mon père, président de ICE OIL & GAS. Il possède 40 ans d’expérience dans l’exploration et la production pétrolière et gazière. Ingénieur géophysicien diplômé de l’IPG de Strasbourg, il a débuté sa carrière en 1977 à Petroci où il devient notamment chef du Service Géophysique, chef de projet Foxtrot et Directeur Conseiller Technique du DG. Il a participé à la synthèse du bassin sédimentaire et a supervisé les rapports d’évaluation pétrolière de 1990 et 2010. Il a aussi négocié de nombreux contrats de partage de production et contrats de services d’acquisition sismique qui ont permis l’évaluation et la mise en production des réserves d’huile et de gaz en Côte d’Ivoire, en partenariat avec des multinationales pétrolières.
Pour ma part, j’ai fait des études de gestion à Paris XII et obtenu un master en finance en 2008 à l’Université de Middlesex à Londres pour travailler en banque d’investissement à Paris. En 2012, je m’oriente dans le secteur pétrolier en Côte d’Ivoire où j’acquiers une expertise dans les services d’exploration et dans le trading de produits pétroliers. Pendant cette période, j’ai eu l’occasion de participer au développement du contenu local dans le cadre de projets d’acquisitions sismiques.
Fort de cette expérience dans le secteur, je comprends qu’une connaissance pointue du bassin sédimentaire ivoirien peut être un atout majeur pour la réussite d’un projet d’exploration. Nous avons pris le temps de mûrir notre projet et après plusieurs années d’essais, le projet prend forme et se concrétise en 2022 avec la création de ICE OIL & GAS. Jacques N’DA dirige la partie technique et mobilise autour de lui des ingénieurs expérimentés qu’il connait bien, et qui sont pour la plupart d’anciens collaborateurs de Petroci. Je m’occupe quant à moi de la structuration du business, de la partie financière et commerciale avec l’aide de mes associés avec qui je partage la même vision, les mêmes valeurs et le goût pour l’entrepreneuriat. C’est l’histoire de la naissance du groupe ICE. L’association de différentes générations « made in Côte d’Ivoire » aux profils internationaux diversifiés et complémentaires qui ont une réelle volonté d’entreprendre et de participer de manière active au développement économique du pays.
Que représente cette signature historique pour votre société ? Et comment se sont déroulées les négociations ?
C’est vrai, c’est une grande première et une fierté nationale. Cela fait partie aussi de la volonté affichée du Président Alassane OUATTARA, de faire de la Côte d’Ivoire une nation émergente et à ce titre, de faire émerger des champions nationaux pour contribuer au développement économique et social accéléré du pays. En effet, le secteur des hydrocarbures a un rôle fondamental à jouer pour la production d’une énergie propre, abondante et bon marché, tant pour le développement industriel que pour le bien-être de nos populations.
Nous tenons également à remercier le ministre des Mines du Pétrole et de l’Energie, Mamadou Sangafowa COULIBALY pour les efforts remarquables qui ont été accomplis pour la mise en œuvre de la politique de développement des ressources pétrolières et gazières et l’application du Contenu Local en la matière. Ces efforts se traduisent aujourd’hui par la signature d’un contrat de partage de production entre ICE et l’Etat. Enfin, les négociations ont été conduites par l’Administration de manière efficace, professionnelle, transparente et dans un esprit de confiance mutuelle.
Vous êtes partenaire de Petroci dans ce bloc, quel est votre rôle ?
ICE détient 90% de participation dans le bloc CI-705 et assume le rôle d’Opérateur chargé de conduire et de réaliser les opérations pétrolières au nom et pour le compte du consortium dont Petroci fait partie avec 10% de participation initiale « portée ».
Dans un contexte international où la lutte contre le changement climatique est une préoccupation majeure, quelle est la place d’une société E&P junior comme ICE Oil & Gas ?
En Côte d’Ivoire, l’énergie thermique représente plus de 75 % du mix énergétique. Aujourd’hui quelle alternative avons-nous pour produire notre électricité ? Importer du GNL c’est possible mais ça coûte cher donc cela entrainerait un ajustement à la hausse du prix de l’électricité. Par conséquent, trouver du gaz est au centre de nos priorités. La transition énergétique doit être juste et équitable et pour cela elle doit reposer d’abord sur le gaz naturel qui est le combustible fossile le moins polluant, puis sur les énergies renouvelables qu’il faudra développer progressivement.
La Côte d’Ivoire a des réserves considérables et notre métier c’est d’explorer et produire du pétrole et du gaz. Donc ICE est un candidat naturel pour la recherche d’hydrocarbures dans le bassin sédimentaire ivoirien. Nous plaçons beaucoup d’espoir dans ce projet et dans le rôle que nous pouvons jouer pour augmenter et renouveler les réserves dont le pays a besoin et aussi pour participer à l’approvisionnement régional et international en gaz si des découvertes sont faites en quantités suffisantes.
Quand pensez-vous produire le premier baril ?
Chaque chose en son temps. Pour l’instant, nous sommes au stade de l’exploration. Il va donc d’abord falloir trouver les hydrocarbures. Les projets dans l’amont sont des projets qui prennent du temps. En général, entre la date de signature du contrat et l’entrée en production, s’écouleront au moins quatre ans, et cela, à condition que le puits d’exploration soit positif.
Il faut savoir que depuis les années 50, il y a eu plus de 280 forages dont la moitié sont des puits d’explorations pour une production journalière en 2023 qui est de 40 000 barils pour le pétrole et un peu plus de 200 millions de pieds cube pour le gaz. Le bassin sédimentaire présente une grande complexité structurale et stratigraphique sans compter les investissements importants que cela nécessite.
On entend souvent que l’État a 10% de part dans les contrats de partage de production ? Qu’en est -il vraiment ?
Les contrats de partage de production sont apparus dans l’industrie pétrolière à la fin des années 50, donc ce n’est pas nouveau. Dans ces types de contrats, l’État est propriétaire des ressources du sous-sol et accorde à une compagnie pétrolière, le droit exclusif d’explorer une zone pour rechercher des hydrocarbures pendant une durée donnée. Pendant cette période d’exploration, qui est de sept ans, l’État exige de la compagnie pétrolière qu’elle réalise un minimum de travaux. Il peut s’agir d’études géologiques et géophysiques, de campagnes sismiques, de forages, etc.
Si ces travaux de recherche aboutissent à une découverte d’hydrocarbures commercialement exploitable, alors l’Opérateur propose un plan de développement à l’État pour la production. C’est durant la période d’exploitation de 25 ans, que l’Opérateur récupère les coûts de son investissement et le partage de la production se fait avec l’État. Donc il faut bien faire la distinction entre la participation de Petroci qui est de 10% au départ et qui peut être augmentée ensuite en phase de production ; et la part de l’État qui est de plus de 50% dans le partage de la production.
Et si les recherches n’aboutissent pas à une découverte d’hydrocarbures ?
Dans ce cas, l’Opérateur perd ses investissements qui sont importants. L’exploration d’hydrocarbures est une activité risquée et ces risques sont supportés uniquement par la compagnie pétrolière. L’État ne prend pas de risque.
Le bloc CI-705 était détenu puis a été abandonné par d’autres sociétés pétrolières. Pourquoi ICE s’y intéresse tout de même ?
Effectivement, des travaux antérieurs ont été réalisés par d’autres opérateurs. Il y a eu deux forages dans les années 1980 par la compagnie américaine Tenneco et en 2021 par Total Energies. Ces forages n’ont pas abouti à une découverte d’hydrocarbure donc le bloc a été abandonné en 2022.
Le bloc CI-705, d’une superficie de 2289 km2, est situé dans la zone offshore (en mer) Grand Lahou à une profondeur d’eau allant jusqu’à 2500 mètres. Selon nos experts, la zone offshore Grand Lahou est une zone prospective qui est favorable à la formation d’hydrocarbures. Nous allons donc commencer l’évaluation de la zone par des études géophysiques et géologiques et identifier un objectif de forage pour réaliser le premier puits d’exploration.
Cela peut étonner de voir une société au capital social de 10 millions FCFA opérer dans l’exploration pétrolière. Qu’en pensez-vous ?
ICE est une startup et un entrepreneur doit être créatif pour réussir. Il existe d’autres modes de financement que les apports en capital social pour financer les activités d’une entreprise.
Il est vrai qu’en règle générale et dans de nombreux secteurs d’activités en Côte d’Ivoire, un capital social élevé est perçu comme un gage de confiance. Dans le cadre d’un contrat de partage de production entre l’État et une société junior comme ICE en particulier, c’est différent. En effet, la crédibilité de notre groupe se traduit plutôt dans les obligations contractuelles que nous prenons vis-à-vis de l’État, notamment par le paiement de bonus de signature, la fourniture de garanties bancaires et des engagements minimum de travaux.
Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’il faut justifier des capacités techniques, financières et juridiques pour conduire des opérations pétrolières suivant les règles de l’art en usage dans l’industrie pétrolière.
Le coût total de notre programme d’exploration est estimé à plus de 40 millions de dollars et pour le financement et la réalisation du programme de forage, nous allons nouer des partenariats techniques et financiers comme cela se fait dans l’industrie pour partager les risques d’exploration. Et pour y arriver, nous avons aussi au sein de l’équipe de ICE, des experts internationaux qui nous ont fait confiance et qui seront à nos côtés afin de promouvoir nos activités auprès de l’industrie pétrolière internationale.
Revenons au Bloc CI-705, pourquoi Petroci n’a pas demandé ce bloc ?
Petroci serait mieux placé pour vous répondre. Chaque société a sa stratégie de croissance. Mais nous pouvons penser que Petroci, qui est une société d’État, a une stratégie en matière d’investissement et de gestion du risque qui est différente de celle d’un opérateur privé comme ICE.
Il faut également rappeler que Petroci détient 10% de participation initiale dans le bloc sans participer aux coûts d’exploration, tout en se réservant la possibilité d’augmenter cette participation en cas de découverte d’un gisement et de sa mise en exploitation. ICE est très heureux de conduire ce projet avec Petroci comme partenaire. La société nationale dispose d’ingénieurs de très grande qualité avec qui nous allons travailler étroitement.
Nous saluons par ailleurs l’initiative de Petroci qui a fait le choix d’opérer sur les blocs CI-523 et CI-525 où les réserves qui sont déjà prouvées pourront être exploitées pour augmenter la production de gaz naturel.
Une loi sur le contenu local a été adoptée en juin 2022, comment cela profite-t-il à votre compagnie ?
Nous militons depuis une dizaine d’années en faveur du contenu local. Un bel exemple de réussite de société de services pétroliers est HYDRODRILL SA, qui est par ailleurs un de nos actionnaires. Le groupe a été fondé par Mouctar KONE, spécialiste du forage et dirigée par Kamel KONE qui est aussi président du groupement des entreprises de services pétroliers et gaziers de Côte d’Ivoire.
Nous prévoyons aussi des schémas de formation et de transfert de connaissances et envisageons de travailler avec les sociétés ivoiriennes compétitives qui pourront fournir des services dans les différentes phases du projet.
Ce projet suscite beaucoup d’engouement de la part de la population. Comment gérez-vous cette situation ?
Nous remercions d’abord tous ceux qui soutiennent notre initiative. Le pétrole et le gaz suscitent beaucoup d’espoir et de vives attentes de la part des populations et c’est tout à fait normal. En revanche, il arrive parfois que le manque de communication entraîne l’incompréhension et la confusion. C’est ce qu’il faut éviter. C’est pourquoi nous essayons de communiquer au mieux afin d’expliquer l’intérêt de notre projet pour tous nos concitoyens. Si une découverte est faite un jour par ICE, ce sera une belle victoire pour notre entreprise mais c’est avant tout la Côte d’Ivoire qui gagne. Nous allons donc nous mettre au travail avec détermination et, avec le soutien de tous, nous pourrons accomplir de grandes choses pour un avenir meilleur.
Quelles sont vos ambitions et vos souhaits pour l’avenir ?
Notre ambition est de devenir un champion national de l’exploration et de la production pétrolière et gazière et que la Côte d’Ivoire devienne un hub énergétique en l’Afrique de l’Ouest. Plus généralement, notre souhait est que la Côte d’Ivoire continue sa marche vers le progrès pour un développement économique déjà bien amorcé.